Pôle Emploi discute avec les sénateurs de l’intérêt potentiel d’un revenu universel

Extrait de l’audition par la Mission d’information du Sénat de Jérôme Rivoisy, directeur général adjoint de Pôle Emploi, le 22 septembre 2016.


RÉUNION DU JEUDI 22 SEPTEMBRE 2016

AUDITION CONJOINTE D’ORGANISMES GESTIONNAIRES DE PRESTATIONS SOCIALES

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président . – Nous sommes réunis ce matin pour évoquer le revenu de base.

La mission commune d’information que le Sénat a créée sur le sujet et que je préside tente de faire la clarté sur cette question et de trouver un chemin entre les multiples définitions de ce que l’on appelle « revenu de base », « allocation universelle », ou encore « revenu d’existence ».

Que signifie l’expression « revenu de base » ? Que représente celui-ci ? Quel est son objet véritable ? Comment le finance-t-on ? Telles sont les questions que nous nous posons.

Une délégation de notre mission s’est déplacée en Finlande, premier pays à vouloir expérimenter le revenu de base. En réalité, cette expérimentation aura un objet réduit, puisqu’elle concernera, pour l’essentiel – à moins que le Gouvernement et le Parlement n’en décident autrement, ce qui est encore possible, puisque le projet va être soumis au Parlement dans les prochaines semaines -, les chômeurs éloignés de l’emploi. Elle ressemble donc un peu à d’autres expérimentations en cours dans notre pays, notamment au projet « territoires zéro chômeur de longue durée », même si elle n’est pas de même nature.

Nous nous rendrons à La Haye la semaine prochaine pour observer une expérimentation conduite aux Pays-Bas, même si celle-ci, selon les informations dont nous disposons, est de moindre ampleur : son périmètre géographique est bien plus circonscrit.

La mission étudiera la faisabilité de l’expérimentation d’un revenu de base, les conditions de celle-ci et le public à cibler. Hélas, nous savons d’ores et déjà que nous n’aurons pas la possibilité de modifier notre système fiscal. Or, n’ayant pas de gisements de diamant comme la Namibie ou de réserves de pétrole comme l’Alaska, nous n’avons pas de rente à distribuer… Il faudra bien trouver les moyens nécessaires. Sans réforme fiscale ad hoc , la mise en place d’un revenu de base sera difficile dans le contexte actuel.

On voit bien que, pour que l’expérimentation ne soit pas biaisée, nous devons nous poser un certain nombre de questions.

D’après ce que j’ai pu lire, le Premier ministre trouverait quelque vertu à l’allocation universelle. Au reste, j’ai lu beaucoup de choses sur le sujet, y compris des horreurs, et beaucoup d’à-peu-près sur la question du financement…

Notre but n’est pas de trancher définitivement cette question, mais d’ouvrir des perspectives, de manière à améliorer la protection sociale, pour faciliter, si possible, le retour au travail de ceux qui en sont le plus éloignés. Tel doit être l’objet d’une démarche engagée en ce sens dans notre pays.

Ces deux objectifs – vaincre la pauvreté, permettre le retour au travail – sont tout à fait recevables. La meilleure façon de vaincre la pauvreté est de pouvoir donner un travail à tout le monde. Dans les conditions de fonctionnement de l’économie actuelle, cela s’avère délicat, mais c’est tout de même l’objectif que nous sommes en droit de nous fixer.

Mesdames, messieurs, je souhaite que vous puissiez vous exprimer pendant une dizaine de minutes et nous dire, au nom des organismes que vous représentez, ce que vous pensez du revenu de base, s’il vous paraît constituer une opportunité, s’il vous semble réalisable – et, si oui, dans quelles conditions -, quels devraient être ses objectifs et si l’on peut en attendre d’une amélioration du système actuel de protection sociale.

M. Jérome Rivoisy, directeur général adjoint en charge de la stratégie et des relations extérieures de Pôle emploi . – Je veux d’abord rappeler le cadre général qui met Pôle emploi en relation avec les bénéficiaires de minima sociaux, puis passer en revue les questions liant notamment revenu de base, minima sociaux et retour à l’emploi qui peuvent se poser.

Pôle emploi est concerné par deux minima sociaux : l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS, prestation d’indemnisation versée aux personnes ayant épuisé leurs droits à l’assurance chômage, dont les règles sont fixées par l’État et le calcul et la gestion assurés par Pôle emploi, et le RSA, à travers les actions d’accompagnement de ses bénéficiaires.

L’ASS, qui est susceptible d’être concernée par une éventuelle simplification ou par une fusion avec d’autres minima sociaux, mais qui relève de l’État, est versée mensuellement aux demandeurs d’emploi qui ont épuisé leurs droits à l’allocation chômage, justifient d’au moins cinq ans d’activité salariée et disposent de ressources inférieures à un plafond défini en fonction de leur situation conjugale. Elle est renouvelée tous les six mois après vérification de satisfaction des conditions de ressources sur les douze derniers mois et n’a pas de durée limitée. Elle permet d’ouvrir des droits à la retraite définis sous forme de trimestre, un dispositif d’intéressement étant prévu en cas de reprise d’emploi.

En juin 2016, on comptait environ 460 000 bénéficiaires de l’ASS, toutes catégories confondues. Parmi ceux-ci, 47 % avaient plus de 50 ans, 40 % la touchaient depuis plus de deux ans et 10 % depuis au moins huit ans. Les allocataires de l’ASS en bénéficiaient depuis 1 307 jours en moyenne, soit trois ans et demi. On observe une corrélation assez forte entre la durée de versement et l’âge des allocataires. J’insiste sur ce point, le minimum social ou le revenu de base n’étant pas forcément le paramètre central d’un retour à l’emploi.

Des économistes vous ont peut-être déjà rendu compte des études qui ont été réalisées pour observer notamment les effets d’incitation au retour à l’emploi de la durée d’indemnisation et du versement d’un revenu de base. Ainsi, une évaluation conduite préalablement à la généralisation du RSA n’avait pas vraiment pu mettre en évidence d’effets « désincitatifs » au retour à l’emploi. Il n’a pas été démontré que le versement d’un revenu minimum était de nature à prolonger une inactivité.

Nous verrons d’ailleurs que la question du revenu est importante dans l’aide à la recherche d’emploi. Il existe d’autres aides susceptibles de venir s’ajouter à un revenu de base qui peuvent avoir un effet incitatif au retour à l’emploi. Pôle emploi en verse quelques-unes. Je pense notamment à ce que l’on appelle, dans notre réglementation interne, les « aides à la mobilité » ou les « aides à la recherche d’un premier emploi » pour les jeunes qui peuvent effectivement constituer un levier plus incitatif qu’un revenu de base en matière de recherche d’emploi.

Ce qu’il est important de noter pour les bénéficiaires de l’ASS -avant d’évoquer ceux du RSA -, qui ont des difficultés de nature sociale à reprendre pied sur le marché du travail, c’est que pour favoriser leur retour à l’emploi, ce sont effectivement les actions d’accompagnement, au-delà du revenu, qui peuvent être couronnées de succès ou non et leur permettre de retrouver un emploi plus ou moins durable.

Cet accompagnement est le coeur de métier de Pôle emploi, au-delà du calcul et du versement de l’allocation de solidarité spécifique. Aujourd’hui, dans le cadre de notre offre de services tendant à une individualisation du suivi des demandeurs d’emploi, ces bénéficiaires occupent une place importante dans ce que nous appelons l’accompagnement intensif ou renforcé, pour lequel les conseillers consacrent un temps d’accompagnement plus important, ce qui est logique. Nous avons aussi considéré que des actions complémentaires étaient indispensables pour se donner une chance de garantir le retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA. C’est dans ce cadre que Pôle emploi a contractualisé une démarche d’accompagnement global avec des conseils départementaux. Ils sont 96 à avoir signé une convention avec Pôle emploi, d’une part, pour agir en matière d’accompagnement à l’emploi – c’est le métier de Pôle emploi -, d’autre part, pour lever toute une série de difficultés sociales par l’action combinée des travailleurs sociaux et des départements. Cette action est de nature à optimiser les chances de retour à l’emploi au-delà de la question du versement d’un revenu comme le RSA.

Pour ce qui des demandeurs d’emploi bénéficiaires du RSA, ils étaient en juin dernier un peu plus de 718 000, toutes catégories de demandeurs d’emploi confondus – A, B et C – ; 48 % des bénéficiaires du RSA étaient inscrits depuis au moins un an, 29 % depuis deux ans et plus. En ce qui concerne leur niveau de formation, ils étaient 67 % à avoir un niveau de formation inférieur au bac – 70 % pour les bénéficiaires de l’ASS, chiffre très proche. Pour ce qui est de la prise en charge par Pôle emploi au titre de ses actions d’accompagnement, ils étaient plus de 27 % à être en accompagnement intensif, 24 % en accompagnement renforcé et 3,4 % en accompagnement global.

Pôle emploi est donc concerné potentiellement au travers de deux minima sociaux par les réformes que les pouvoirs publics pourraient engager sur ce sujet. Dans l’aide à la recherche d’un emploi, la question du revenu existe, mais elle n’est pas forcément centrale.

Monsieur le président, vous avez mentionné tout à l’heure l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », action à laquelle Pôle emploi est associé de par la loi : cette démarche expérimentale est davantage centrée sur la sélection de territoires extrêmement ciblés, plutôt de petite taille, et dans lesquels la recherche d’une insertion rapide des demandeurs d’emploi, identifiés par Pôle emploi dans la plupart des cas – qu’ils soient inscrits ou non -, passera non pas tant par une mobilisation de revenus que par l’identification sur ces territoires d’opérateurs économiques – entreprises ou autres – susceptibles de proposer des emplois considérés comme additionnels ou supplémentaires, pour les faire émerger avec une mise en adéquation très fine entre des demandeurs d’emploi éloignés de l’emploi ; c’est un besoin économique latent qui ne serait pas satisfait par d’autres opérateurs économiques. L’un des enjeux de cette expérimentation est bien de montrer que ces emplois ne se substituent pas à d’autres emplois latents dans le tissu économique et de voir, sur une période de cinq ans, comment cette mise en adéquation entre cette offre et cette demande peut être couronnée de succès sur la durée, indépendamment des questions d’allocations ou de revenus, puisque ces demandeurs d’emploi pourront se trouver dans des situations différentes au regard de leur indemnisation.

S’agissant de la question des revenus au regard du retour à l’emploi des publics qui en sont éloignés, des études économiques portant aussi bien sur la durée d’indemnisation que sur le versement de minima sociaux tels que le RSA n’ont pas permis de conclure de manière très claire à un quelconque effet « désincitatif ». On peut penser alors que le versement un jour d’un revenu minimum universel ou socle serait sans impact négatif sur le retour à l’emploi – reste à voir quel serait son montant.

Pôle emploi, en complément des mesures d’accompagnement existantes, peut attribuer des aides financières au retour à l’emploi qui peuvent être un coup de pouce clé à un moment donné du parcours de recherche d’emploi. Le conseil d’administration de Pôle emploi bénéficie, de par la loi, d’une sorte de quasi-pouvoir réglementaire encadré qui lui permet de verser des aides à la mobilité – toujours versées sous condition de ressources sur la base d’un barème national -, qui peuvent prendre la forme de bons de transport SNCF, de bons de réservation, de bons d’aide à la mobilité non ciblés sur un transport en particulier – c’est plus exceptionnel – pour la prise en charge des frais de déplacement pour se rendre par exemple à un entretien, dans une limite de 150 euros. De même, il est possible de financer les permis de conduire des publics en difficulté financière. Cette aide, attribuée sous conditions de ressources, d’un montant maximum de 1 200 euros et versée par Pôle emploi en trois fois, est de nature à débloquer des situations pour permettre plus facilement le retour à l’emploi.

Dans votre propos introductif, monsieur le président, vous disiez que le revenu de base pourrait avoir deux objectifs principaux : un objectif central d’amélioration de la protection sociale au titre de la réduction de la pauvreté et un objectif de retour au travail des personnes éloignées de l’emploi en assurant un socle de revenus, sans pour autant épuiser le sujet des aides et de la mobilisation des leviers pour aider les personnes les plus éloignées de l’emploi à retrouver du travail.

L’autre question que l’on peut se poser, et qui a été abordée par M. Émile, est la suivante : un revenu avec ou sans condition de ressources ? L’allocation de solidarité spécifique est versée aujourd’hui sous conditions de ressources, ce qui oblige à un travail de vérification selon un rythme semestriel. On peut effectivement imaginer qu’il serait plus simple pour les usagers, pour les bénéficiaires et pour les organismes versant la prestation que celle-ci soit sans condition de ressources. La forte variabilité du marché du travail, sa fragmentation, conduit de plus en plus de demandeurs d’emploi à enchaîner des CDD parfois de très courte durée. Si le revenu minimum était sous conditions de ressources, cela obligerait les bénéficiaires confrontés à une succession de contrats courts à produire des justificatifs selon des rythmes extrêmement fréquents. Parfois, on pourrait se retrouver avec des effets ciseaux dans le cas des allocations différentielles ou, a contrario , quand des séquences de chômage alternent avec des contrats courts.

L’objectif visé à travers ce revenu de base, ce revenu socle, ce revenu minimum est-il une celui d’une simplification, d’une plus forte intégration des minima sociaux ou, au contraire, s’agit-il de créer véritablement un revenu de base indépendant auquel s’ajouteraient le cas échéant des prestations spécifiques, qu’il faudrait redéfinir et revoir en fonction du montant de ce revenu de base ? Les actions vis-à-vis des usagers qui sont déjà en cours pour certaines d’entre elles et qui pourraient être encore intensifiées dans un très proche avenir vont dans le bon sens : je pense là à la mise en place de portails pour permettre un accès plus simple à l’information – Pôle emploi s’inscrit dans cette démarche pour éviter les phénomènes de non-recours et faire en sorte que les usagers connaissent mieux leurs droits -, à l’amélioration des interconnexions entre les organismes de protection sociale pour éviter, dans le cas des allocations soumises à conditions de ressources, de multiplier les remises de pièces justificatives.

Cette première étape de simplification ne serait pas nécessairement la plus aisée à franchir dans un premier temps – l’interconnexion des systèmes d’information entraînerait des surcoûts au début -, mais c’est une piste prometteuse sur la durée. L’harmonisation des règles de gestion entre les opérateurs et en matière de pièces justificatives pourrait jouer. En ce qui concerne Pôle emploi, les règles ne sont pas fixées par l’organisme de protection sociale : l’ASS dépend de l’État et les règles applicables au RSA ne relèvent pas de Pôle emploi.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président . – Je vous remercie, monsieur Rivoisy. Nous aurons sans doute l’occasion de vous poser des questions tout à l’heure.

(…)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président . – Tout ce qui a été dit sur la manière d’envisager un revenu de base compte tenu du maquis actuel des allocations est très intéressant. Vous avez tous employé le mot « simplification » ; cette piste possible est envisagée par tout le monde, à commencer par M. Sirugue dans son rapport, sans compter que l’idée même de revenu universel sous-tend cet objectif de simplification, tout en offrant une protection à ceux qui le percevraient.

D’après ce que j’ai compris des propos de M. Rivoisy, le revenu universel, le revenu de base, ne favoriserait pas le retour à l’emploi : il n’aurait un effet ni négatif ni positif, pour dire les choses un peu brutalement. L’attribution d’aides spécifiques, comme les bons de transport, aiderait plus au retour à l’emploi que l’attribution d’un revenu à proprement parler. J’ai entendu dire également qu’il serait possible de regrouper les allocations. Cela recoupe certaines études faites par les défenseurs du revenu de base, notamment le Mouvement français pour un revenu de base et l’Association pour l’instauration d’un revenu d’existence, selon lesquelles on pourrait passer des prestations actuelles à une sorte de revenu à la condition de solliciter l’impôt des plus riches.

M. Alain Vasselle . – Parce qu’ils n’en paient pas déjà assez ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président . – Je n’en tire aucune conclusion ; je constate simplement que cela recoupe les projections du MFRB, de l’AIRE ou de Génération libre : il faut bien faire payer quelqu’un si l’on veut mettre en place un revenu universel.

Un revenu universel servirait-il le retour à l’emploi ? La question est ouverte. Pôle emploi dit que ce n’est pas évident, qu’il n’y a pas de corrélation évidente ou immédiate avec le retour à l’emploi, même s’il est possible de le servir à tout le monde sous certaines conditions. On peut envisager de distribuer autrement les 45 milliards d’euros déjà distribués à condition de recourir à l’impôt.

M. Jérôme Rivoisy . – Je voudrais préciser mon propos. Mon raisonnement était plutôt a contrario . Les études menées par des économistes vous éclaireront davantage – vous pourrez ainsi solliciter M. Jean Pisani-Ferry que vous auditionnez cet après-midi -, en particulier l’étude menée pour évaluer le RSA. La question qui a été soulevée a été de savoir si un revenu minimum avec des obligations d’insertion variables était de nature à « désinciter » le retour au travail. Ces études, qui n’émanent pas de Pôle emploi, avaient plutôt conclu qu’il n’y avait pas d’effet « désincitatif ».

J’ai raisonné en l’état actuel du droit, c’est-à-dire en l’absence de revenu minimum universel. J’ai simplement dit que l’aspect « revenu », qui peut être une contribution tout à fait positive au profit de personnes dans le cadre de leur recherche d’emploi, n’était pas la seule donnée ; je l’ai relativisée, en l’articulant autour des deux objectifs que vous aviez cités en introduction, à savoir la lutte contre la pauvreté et le retour à l’emploi, qui nécessitent bien d’autres actions que le seul versement d’un revenu, en particulier des aides spécifiques, éventuellement ciblées.

Il faudra mesurer les effets de ce revenu universel s’il est créé et mettre en place des actions d’accompagnement intensif pour lever une série de freins, de difficultés. Pôle emploi en prend certaines à sa charge ou bien agit de conserve avec les départements et les travailleurs sociaux. En particulier, les actions de formation sont importantes pour remettre en adéquation des publics éloignés de l’emploi avec la réalité du marché du travail.

Je relativisais la notion de revenu minimum dans l’ensemble des actions concourant au retour à l’emploi des publics les plus éloignés. Mais n’en tirez pas la conclusion qu’un revenu minimum aurait un effet négatif ou serait sans effet.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président . – Nous nous demandons si cette réflexion est valable pour l’ensemble des publics : les jeunes ou les seniors proches de la retraite, qui éprouvent des difficultés pour retrouver un emploi.

Certes, il existe des dispositifs, notamment l’ASS, pour ceux qui ne perçoivent plus d’indemnités chômage. S’agissant des jeunes, une expérimentation est menée à travers la « garantie jeunes », laquelle n’est pas sans contrepartie en termes d’accompagnement, d’animation et de formation. Peut-on mesurer l’impact sur le retour à l’emploi de certains publics plus touchés par le chômage que la moyenne des Français ?

M. Alain Vasselle . – Je voudrais rebondir sur deux points.

Premièrement, le retour à l’emploi. Vous nous avez expliqué que les études qui ont été conduites démontraient que la mise en place d’un revenu universel n’aurait pas d’effet, ni dans un sens ni dans l’autre, sur le retour à l’emploi. Ces études ont-elles bien intégré les droits connexes ? Lorsque Martin Hirsch, alors Haut-Commissaire du Gouvernement, avait travaillé sur le RSA, notre ancienne collègue du Nord Sylvie Desmarescaux et moi-même l’avions régulièrement interpellé sur ce point et nous sommes restés quelque peu sur notre faim, car on nous a expliqué qu’il était extrêmement difficile de connaître la réalité de ces droits connexes. Or il apparaît que l’ensemble formé par l’addition de ces droits connexes au revenu minimum pourrait avoir un caractère « désincitatif » sur le retour à l’emploi.

Deuxièmement, la contribution financière des Français au financement des 45 milliards d’euros pourrait être neutre pour ceux qui ont un revenu relativement élevé – vous avez avancé le chiffre de 900 euros : on leur donnerait un revenu de base de 900 euros, lesquels seraient redistribués à travers la fiscalité. Êtes-vous allé jusqu’à réfléchir sur les modalités de prélèvement de ces 900 euros ? Sauf à ce que le prélèvement à la source change complètement la donne, on paie des impôts en fonction de son revenu et selon un barème progressif. Ce prélèvement pourrait-il être calé sans hausse importante de la fiscalité pour ceux qui payent l’impôt ?

Enfin, avez-vous apprécié les conséquences de la fusion de tous ces minima sociaux sur le revenu des handicapés ? M. Valls a déclaré qu’il allait inscrire cette fusion dans le programme présidentiel socialiste, puis j’ai lu qu’il avait fait marche arrière et que l’idée d’un revenu de base était pour le moment écartée. D’après l’analyse que j’avais faite de cette proposition, j’en étais arrivé à la conclusion que ce revenu de base serait inférieur à ce que perçoivent actuellement les handicapés. Aujourd’hui, on parle d’un revenu d’environ 600 euros, alors que les handicapés perçoivent un revenu compris entre 800 euros et 900 euros.

M. Jérôme Rivoisy . – Je faisais allusion aux études menées par le comité d’évaluation mis en place après la généralisation du RSA, postérieurement à la loi de 2008. Il s’agissait de montrer si celle-ci pouvait être de nature à avoir des effets soit incitatifs, soit « désincitatifs ». Sauf erreur de ma part, ces études étaient centrées sur le RSA sans envisager les droits connexes, question plus délicate à traiter. Les effets incitatifs étaient considérés comme plutôt positifs, mais limités, et les effets « désincitatifs » comme négligeables. Ces travaux remontent à une période comprise entre 2009 et 2011.

(…)

M. Jérôme Rivoisy . – Je ne connais pas cette expérimentation menée en Finlande, et que vous avez mentionnée, monsieur le président, sur les chômeurs éloignés de l’emploi en lien avec un revenu de base. Quand j’évoquais tout à l’heure, en référence à l’exemple finlandais, l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », j’ai dit qu’elle n’incluait aucune dimension revenu de base ou revenu minimum puisque les chômeurs de longue durée qui auront été repérés et qui trouveront un emploi dans une entreprise dite « à but d’emploi » seront payés au SMIC une fois qu’ils seront en situation de travail. C’est indépendant de leur position au regard du régime d’indemnisation ; ils doivent simplement être chômeurs de longue durée. Certains continueront d’être indemnisés à un titre ou à un autre, mais le principal objectif est de les faire basculer dans une situation d’activité.

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