Fabrice Lenglart sur la réforme du revenu universel d’activité (RUA)

Début 2022, le rapporteur général à la réforme du revenu universel d’activité est auditionné par les sénateurs. C’est l’occasion de présenter l’ampleur du travail mené depuis l’annonce par le Président Macron, le 18 septembre 2018, d’un dispositif censé fusionner le RSA, la Prime d’activité et les APL.

Audition de M. Fabrice Lenglart, rapporteur général à la réforme du revenu universel d’activité (RUA)

Mme Catherine Deroche, présidente. – Je vous souhaite à tous, ainsi qu’à ceux qui vous sont chers, et en dépit des conditions sanitaires particulières, une très belle année 2022, qui s’annonce très chargée sur le plan politique.

Nous entendons ce matin M. Fabrice Lenglart, directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques auprès du ministère des solidarités et de la santé, en sa qualité de rapporteur général au revenu universel d’activité (RUA).

Je salue nos collègues qui participent à nos travaux en visioconférence.

J’indique que cette audition fait l’objet d’une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat, qui sera ensuite disponible en vidéo à la demande.

Monsieur Lenglart, le travail qui vous a été confié sur le revenu universel d’activité est antérieur à votre nomination à la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) en décembre 2019. Il s’inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté présentée le 13 septembre 2018 et à laquelle le Président de la République a fixé un objectif particulièrement ambitieux de refonte des dix minima sociaux que compte notre pays avec cinq impératifs : la dignité, la simplicité, la transparence, l’équité et la responsabilité.

Comme cela a été le cas sur plusieurs grands chantiers intéressant les politiques publiques, ce projet de réforme a fait l’objet d’un processus très élaboré de concertation qui devait notamment aborder certains sujets comme celui des jeunes adultes, des territoires ultra-marins ou encore de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou des aides personnalisées au logement (APL).

Au-delà de l’objectif largement partagé de simplification d’un système très sédimenté et de l’amélioration de l’accès au droit des bénéficiaires, le sujet est redoutablement complexe, ainsi que l’ont fait apparaître très rapidement les oppositions à l’intégration dans la nouvelle prestation des allocations logement ou de l’AAH.

L’avancement du dossier a sans doute aussi pâti de la crise sanitaire, puisqu’il devait initialement aboutir au cours de l’année 2020.

Le rapport qui devait être remis avant la fin de l’année 2021 ne l’a pas été officiellement, mais nous avons souhaité maintenir cette audition afin que vous nous présentiez les premières orientations que vous avez pu dégager au cours de ce long travail.

Plus largement, notre commission s’intéresse aux modalités du soutien au revenu des travailleurs à bas salaires dont fait partie la prime d’activité. Vous pourrez ainsi nous indiquer quelle place ce dispositif a prise dans vos réflexions.

Les sujets de l’AAH ou des petites retraites agricoles ont été abordés récemment au cours de nos travaux législatifs. Vous pourrez également nous indiquer comment ces dossiers ont été envisagés dans le cadre d’une réflexion plus globale sur le soutien au revenu des plus pauvres.

Je vous laisse la parole durant une vingtaine de minutes avant que le débat ne s’engage avec les commissaires qui souhaitent vous interroger, notamment nos rapporteurs budgétaires sur les missions « Travail et emploi » et « Solidarité, insertion et égalité des chances » que sont Frédérique Puissat et Jean Sol.

M. Fabrice Lenglart, auteur du rapport sur le revenu universel d’activité. – Je souhaite à mon tour à tous les sénateurs une très bonne année 2022 ! Madame la présidente, vous avez parfaitement introduit le sujet. Je reviendrai néanmoins dans mon propos liminaire sur le contexte de la réforme. J’aborderai ensuite de façon synthétique le fond des travaux que j’ai eu l’honneur d’animer.

Le contexte est, vous l’avez rappelé, l’avancement de travaux interadministratifs à la suite des annonces du Président de la République en septembre 2018 concernant la création d’un revenu universel d’activité. J’ai été nommé rapporteur général au début de l’année 2019, avec pour première mission d’animer les travaux interadministratifs de ce sujet éminemment interministériel. Je m’y suis attelé sans discontinuer de février 2019 jusqu’au début du mois d’avril 2020. En parallèle, une grande concertation tous azimuts a été engagée à partir du printemps 2019. Organisée par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, elle s’est interrompue pendant la crise covid.

Dans le cadre de la concertation institutionnelle, des groupes de travail thématiques sur le handicap, les jeunes ou encore le logement ont été organisés avec les associations mobilisées en faveur des plus modestes, les partenaires sociaux et les représentants des collectivités territoriales.

Par ailleurs, des ateliers ont été mis en place dans six régions pour débattre pendant une journée entière avec des citoyens volontaires – réunissant à chaque fois entre soixante et cent personnes. Une consultation en ligne a ensuite permis de recueillir l’avis des internautes. Enfin, un jury citoyen a rendu un avis quelques semaines avant la crise.

Mon rôle était à la fois d’animer les travaux interadministratifs et d’alimenter la concertation par une participation active lors des discussions.

Se trouvaient autour de la table 24 directions d’administration centrale de 12 ministères, toutes les caisses de sécurité sociale, Pôle emploi et le CNOUS. Ces travaux considérables ont favorisé le défrichement de questions diverses, mais ils se sont interrompus à partir du premier confinement durant un peu plus d’un an. Interrogé sur le sujet à l’automne 2020, le Premier ministre Jean Castex a déclaré que ces travaux avaient vocation à continuer. J’ai donc repris les travaux interadministratifs au printemps 2021. Nous n’avons pas mené à bien tout ce que j’avais prévu, mais nous avons clôturé nombre de sujets. Je me suis engagé à remettre à l’automne au Gouvernement un rapport de préfiguration, dont j’ai remis une première version à Matignon et que je suis en train de finaliser, en lien avec les conseillers des différents cabinets ministériels et l’Élysée. Ce rapport fait 200 pages, assorties de 300 pages d’annexes. Dans toute ma carrière de fonctionnaire, je n’avais jamais vu un travail aussi fouillé et réalisé dans de telles conditions exceptionnelles de collaboration entre administrations pourtant issues de ministères différents !

Je résumerai à grands traits le constat de notre système de solidarité, qui est public, car implicitement contenu dans les documents ayant servi à la concertation – ils sont toujours en ligne sur le site du ministère des solidarités et de la santé.

Que sont les prestations de solidarité en France ? De nature monétaire, elles visent à soutenir le revenu de ménages modestes. Elles sont soumises à conditions de ressources et dégressives à partir d’un certain montant de revenus jusqu’à s’éteindre au-delà d’un seuil prédéfini.

Une quinzaine de prestations de solidarité existent en France, parmi lesquelles figurent les 10 minima sociaux, dont le principal est le revenu de solidarité active (RSA). Alors que, dans notre pays, une personne sur dix vit dans un ménage qui bénéficie d’un minimum social, moins de la moitié touche le RSA. Cela montre bien que celui-ci est central, mais non hégémonique. Les quatre minima sociaux les plus importants sont, outre le RSA, l’AAH, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) pour le minimum vieillesse et l’allocation de solidarité spécifique (ASS) pour les chômeurs de longue durée ayant épuisé leurs droits aux allocations de chômage et qui, sous certaines conditions, y sont éligibles. Il existe également des minima sociaux spécifiques pour les personnes invalides, les veufs et l’outre-mer.

Outre les dix minima sociaux, la prime d’activité créée en 2016, – qui préexistait, mais sous d’autres formes -, a été augmentée de façon importante au début de l’année 2019. Il s’agit bien d’une prestation de solidarité, car elle est conditionnée aux ressources. Visant à compléter les revenus des travailleurs modestes, ce dispositif garantit que le travail paie. Aujourd’hui, une personne sur huit vit dans un ménage qui touche la prime d’activité, proportion qui place celle-ci devant le RSA d’un point de vue numérique, et à un niveau comparable sur le plan financier.

Les aides au logement appartiennent bien à la catégorie des prestations de solidarité et sont attribuées à un plus grand nombre de personnes – environ 1 sur 5 -, essentiellement des ménages locataires.

Le chèque énergie, peut-être un peu moins connu, est aussi une prestation de solidarité.

Les jeunes adultes, vous le savez, ne sont pas traités de façon totalement identique au reste de la population adulte. Lorsqu’ils sont âgés de 18 à 24 ans, sans emploi ou sans étude, ils ne sont pas éligibles au RSA. Ils peuvent donc bénéficier de la garantie jeunes, transformée prochainement en « contrat d’engagement jeune », dont le volet monétaire est une prestation de solidarité. Quant aux jeunes adultes encore en études, ils peuvent solliciter des bourses étudiantes. Ces dernières appartiennent aux prestations de solidarité, car elles sont attribuées sous condition de ressources.

En termes de dépenses publiques, le total des prestations représentait en 2019 un peu moins de 60 milliards d’euros.

Ce système de prestations de solidarité présente deux grands avantages et un gros défaut.

D’une part, il soutient le revenu des personnes modestes en diminuant le taux de pauvreté et l’intensité de la pauvreté, de façon plutôt satisfaisante par rapport aux autres pays de l’Union européenne. Aujourd’hui, un peu plus de 9 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté, égal à 60 % du revenu médian. Sans les prestations de solidarité, ce nombre atteindrait 12,5 millions de personnes.

D’autre part, le système est-il conçu de telle sorte que le travail paie davantage que l’inactivité ? Quand une personne retrouve un emploi ou qu’elle bénéficie d’une augmentation de salaire, la diminution des prestations de solidarité est-elle suffisamment maîtrisée pour que son revenu global augmente ? Dans la très grande majorité des cas, en France, le travail paie – j’y insiste, car c’est trop peu connu. C’est le cas depuis que la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion a remplacé le revenu minimum d’insertion (RMI) par le RSA. L’objet de ce texte était de prévoir un dispositif pérenne de gain au travail, devenu au fil du temps la prime d’activité.

J’émettrai néanmoins trois bémols sur ce point.

Premièrement, dans certains cas minoritaires, le travail paie très peu, voire pas du tout. Cela se produit au détriment de personnes handicapées ou de certains de leurs conjoints qui peuvent travailler. C’est également le cas de certains bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique.

Deuxièmement, le travail ne paie pas de la même façon pour tout le monde. Lorsque vous vivez dans des conditions de vie modestes, selon votre situation familiale, votre logement ou votre état de santé, vous êtes éligible à une ou, plus souvent, à plusieurs prestations de solidarité. Plus de 50 % des bénéficiaires de minima sociaux reçoivent également une aide au logement. Or les barèmes de ces aides ne sont pas pensés pour fonctionner ensemble. Lorsque le revenu du travail augmente, plusieurs prestations peuvent diminuer en même temps, affectant d’autant le gain au travail. C’est typiquement le cas des locataires modestes qui touchent un minimum social et des aides au logement, plus pénalisés que les propriétaires de conditions de vie modestes.

Troisièmement, le travail paie dans la plus grande majorité des cas. Je vous l’affirme ; encore faut-il le comprendre et s’en persuader. Sur le terrain, des doutes sont susceptibles d’apparaître sur l’effet de la reprise d’un travail ou d’une augmentation de salaire sur les prestations perçues. Les salariés craignent également, s’ils perdent par la suite leur emploi, que leurs prestations ne disparaissent.

J’en viens au gros défaut de ce système : il est illisible. Je ne dis pas qu’il est trop complexe, car il faut se garder de tout simplisme en la matière. Les prestations monétaires doivent être adaptées à la diversité des situations vécues. Or, si elles ont toutes été utiles au moment de leur création, elles se sont sédimentées, comme vous l’avez dit à juste titre.

Cette illisibilité entraîne un non-recours par certaines personnes qui seraient éligibles aux aides. Je vais vous faire une confidence : aucune administration ne maîtrise le système dans sa globalité ; c’est par un travail collectif que l’on peut comprendre tous les effets du système. Cela crée aussi, au fil de l’évolution des situations, des ruptures de droit tout à fait dramatiques, même si elles sont temporaires.

Cette illisibilité mine également la confiance dans le système, soumis à toutes les comparaisons possibles et dont peu comprennent le fonctionnement. Conséquence : ce système est objectivement impossible à piloter. Lorsque vous voulez arranger telle ou telle situation, par exemple par des efforts budgétaires, vous convoquez tout un ensemble d’administrations, qui proposent des solutions, mais sans vraie certitude et avec d’éventuels effets de bord non prévus et de nouvelles réformes en vue – pas moins d’une par an !

Les 15 prestations de solidarité sont octroyées en fonction de 15 bases ressources, ce qui est une source fondamentale d’illisibilité. De même qu’il existe un revenu fiscal de référence en France, il faut créer un revenu social de référence en harmonisant les bases ressources. La réforme du revenu universel d’activité n’aura pas pour objet de fondre l’ensemble des prestations ; il restera l’équivalent du RSA, de la prime d’activité, du minimum vieillesse et de l’AAH, ainsi que des aides au logement identifiées, mais les barèmes seront conçus de façon cohérente les uns avec les autres. Ainsi, deux prestations ne diminueront pas en même temps quand le travail augmente ; le processus sera progressif pour parvenir à une certaine équité.

Le rapport n’est pas une solution clé en main. Compte tenu de la complexité de notre système, de nombreuses questions se posent, qui sont techniques et éminemment politiques : le système doit-il être familialisé ou individualisé ? Le rapport apporte des éléments sur ce point. Il faut aussi s’entendre sur le périmètre des ressources à prendre en compte et sur la façon de les mesurer.

Il faut unifier notre système de prestations de solidarité, mais on peut imaginer une réforme partielle par étapes, en laissant de côté tel ou tel type de prestations. Quoi qu’il en soit, il n’y aura pas de réforme sans harmonisation des barèmes du RSA, de la prime d’activité et des aides au logement. Faut-il intégrer l’allocation spécifique de solidarité, le minimum vieillesse et l’AAH ? Le rapport présente les différentes options des administrations. Il faudra ensuite une volonté politique pour opérer les arbitrages. Le rapport traite dans le détail la situation des jeunes adultes, sortis ou non des études. On peut imaginer un traitement différencié via le « contrat d’engagement jeunes » et des bourses ou une unification plus forte.

Mme Catherine Deroche, présidente. – Merci beaucoup de cette présentation, qui nous donne un peu plus de lisibilité sur le sujet. Vous avez posé des règles importantes. Les questions seront l’occasion de vous focaliser sur certains points de votre rapport.

Mme Frédérique Puissat. – Mme la présidente a évoqué mon rôle de rapporteur budgétaire sur la mission « Travail et emploi » au sein de la commission. J’ai également travaillé avec Annie Le Houerou à l’élaboration d’un rapport d’information sur l’évolution et la paupérisation d’une partie des Français. Votre vision nous avait à l’époque semblé très limpide, mais je me rends compte que la question est bien complexe ! Mettre 24 directions générales autour d’une table n’augure pas de décisions très claires… Nous lirons avec attention votre rapport pour trouver un certain nombre de points de convergence. Nous avions déjà dit qu’il fallait un filet de sécurité plus juste et plus accessible pour les personnes pauvres.

L’appellation « revenu universel d’activité » n’était pas votre choix et ne nous semblait pas très bien choisie. Ne pourrait-on y revenir, afin de trouver une proposition reflétant mieux la nature de la réforme ?

Concernant la complexité du système, le Royaume-Uni a mis en place en 2012 l’Universal Credit, dont la mise en oeuvre s’avère si complexe que deux systèmes fonctionnent aujourd’hui encore en parallèle afin de ne pas exclure des bénéficiaires. Votre proposition s’en inspire-t-elle ?

Enfin, sur l’incitation à trouver une activité pour sortir de ces minima sociaux, j’ai noté vos trois bémols. Or, de nombreux allocataires du RSA se trouvent depuis très longtemps dans le dispositif, sorte de « trappe à pauvreté ». Vos propositions ont-elles intégré ces données ?

M. Jean Sol. – Que représenterait le RUA en termes de masses financières ? Le Président de la République avait initialement évoqué une prestation d’État. D’autres pistes sont-elles envisagées pour son financement ?

Quel bilan faites-vous de la prime d’activité après six ans d’existence de cette prestation qui représente aujourd’hui un budget de 10 milliards d’euros ? Parvient-elle à jouer le rôle de prestation de solidarité garantissant un gain au travail et un complément de salaire pour les personnes aux revenus modestes ?

M. Philippe Mouiller. – Merci de votre présentation très claire des objectifs attendus. Comme Jean Sol, nous nous interrogeons beaucoup sur l’aspect financier de la réforme : en tendant à l’unification sans qu’il s’agisse pour autant d’une fusion, soit les prestations diminueront, soit les coûts financiers exploseront.

Vous avez dit que le travail payait. Aujourd’hui, les écarts sont-ils suffisants entre les revenus du travail et les plus hauts cumuls de prestations sociales ?

Quant au montage du RUA, on parle d’un revenu-socle et d’un complément. Dans ce cas, il s’agirait d’une fusion de prestations, tandis que vous aviez surtout évoqué une harmonisation des bases de calcul. Quel est votre avis à ce propos ?

Sur l’AAH, enfin, que pensez-vous du débat et quelle est votre position sur sa « déconjugalisation » ?

Mme Élisabeth Doineau. – Après vous avoir entendu, j’ai hâte de lire votre rapport, il me semble faire écho à celui de notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe sur le revenu de base, où s’exprimait l’idée que la simplification était loin d’être chose facile, mais aussi celle d’une expérimentation possible.

J’insisterai sur la difficulté pour les bénéficiaires à construire leur avenir quand les prestations changent lorsque leur situation familiale ou d’activité évolue, ce qui engendre des indus, des complications dont les conseils départementaux sont saisis. Si l’on simplifie les choses, veillons à la notion de parcours, parce qu’il ne faut pas continuer à fabriquer des lendemains qui déchantent.

M. Fabrice Lenglart. – Je n’ai pas à commenter l’appellation de revenu universel d’activité, elle relève d’un choix politique, mais je constate qu’elle a suscité des interrogations lors des concertations. Je souligne au passage que ces concertations ont été très fécondes dans les deux sens, elles m’ont, par exemple, fait comprendre l’importance de la lisibilité des prestations, à partir d’exemples très concrets, sur le terrain.

Le rapport cherche à unifier le système des prestations, plutôt que de les fusionner. La concertation nous a fait évoluer, nous pensions initialement à un socle commun, assorti de suppléments selon les situations ; nous pensons aujourd’hui que, si le champ retenu devait être étroit, nous conserverions trois prestations, le RSA, les allocations logement et la prime d’activité, mais avec des bases de ressources harmonisées, et si le champ devait être élargi, nous parlerions encore de minimum vieillesse, d’AAH, et pas simplement d’un supplément vieillesse ou handicap. Nous visons un système unifié, mais avec des prestations qui demeurent bien identifiées.

Quel bilan de l’Universal Credit au Royaume-Uni ? Les Britanniques ont rencontré beaucoup de difficultés dans sa mise en place, j’ai pu m’en rendre compte lorsque nous nous sommes rendus sur place pour rencontrer nos homologues. Il y a eu au départ un consensus politique fort, pour changer un système de prestations devenu illisible, mais les Britanniques n’ont pas concerté la réforme, ce qui n’est pas notre cas – je le répète, notre concertation est approfondie. Ensuite, les Britanniques ont sous-estimé la difficulté technique même de la réforme, c’est pourquoi elle a mis beaucoup de temps à se réaliser, nous le documentons dans le rapport. Enfin, le Gouvernement britannique a d’emblée annoncé que la réforme ferait faire des économies, ce qui a suscité une bronca, car, en réalité, les dépenses ont commencé par augmenter – il est particulièrement difficile de faire des économies en transformant un système si complexe.

Ne risque-t-on pas de mettre en place deux systèmes parallèles ? Une réforme de cette ampleur nécessite une période de transition, par décence pour nos concitoyens, mais aussi pour des raisons techniques – en réalité, il n’est pas possible techniquement de passer d’un système à l’autre du jour au lendemain, et dans la phase de transition, on peut individualiser les changements, faire en sorte que les gagnants basculent plus vite dans le nouveau système et que ceux dont la situation deviendra moins bonne restent dans le système ancien : c’est possible, le rapport le documente. Cependant, il ne faut pas imaginer que cette transition pourrait s’étendre sur une dizaine d’années. Il faut de la lisibilité et donc prévoir une transition sur quelques années seulement.

Sur le lien entre RSA et travail, il est vrai qu’une partie des bénéficiaires du RSA le sont depuis longtemps, mais il y a aussi des sorties, il ne faut pas les minorer. La question renvoie au contenu qui accompagne la prestation, ce que le Président de la République a désigné comme le service public de l’insertion, qui vise à mieux accompagner pour se former, reprendre un travail. En revanche, il faut que le travail paie, c’est-à-dire que les revenus du travail ne diminuent pas d’autant la prestation de solidarité. Or, la situation effective ne dépend pas du seul RSA, mais d’autres prestations également. Aujourd’hui, lorsque vous gagnez moins d’un demi-SMIC par votre travail, donc quand vous ne touchez pas la bonification de la prime d’activité, pour 100 euros perçus au travail, le cumul RSA et prime d’activité hors bonification individuelle d’activité vous fait conserver 61 % des revenus de solidarité, mais si votre allocation logement diminue – je ne peux pas vous dire de combien, cela dépend de la situation précise -, cette somme diminue d’autant, ce qui réduit le gain du travail. Il est donc important d’unifier les bases, pour établir plus clairement le gain du travail.

Faut-il, ensuite, changer le curseur de l’intéressement au travail ? Nous posons la question dans le rapport. Il est tout à fait possible de faire démarrer la prime d’activité dès le premier euro de travail, nous documentons cette proposition.

Lors de la concertation, nous avons dit que nous devions raisonner à masse budgétaire inchangée, c’est la condition pour comparer l’efficacité des systèmes de prestation ; les simulations ont donc été effectuées sous cette hypothèse. Nous avons identifié des gains d’efficience de la réforme, et les avons documentés. Cependant, dès lors qu’on raisonne à coût constant, il est inévitable qu’il y ait des gagnants et des perdants. En réalité, pour mener une réforme de ce type, il faut remettre un peu d’argent pour diminuer le nombre de perdants quand la réforme est mise en place – c’est ce que nous indiquons dans le rapport.

Martin Hirsch a voulu affirmer le lien entre RSA et travail, via le « RSA activité », mais ce lien donnait lieu à confusion et à une certaine stigmatisation des bénéficiaires. Il me semble que le bilan de la prime d’activité est positif, ce qui n’interdit pas de penser que des améliorations sont possibles – par exemple sur le seuil de déclenchement de la bonification individuelle, actuellement à 0,5 SMIC. On peut aussi s’interroger sur le fait que des bénéficiaires paient l’impôt sur le revenu, ce qui peut paraître contradictoire pour une prestation de solidarité. 

Sur l’AAH, le rapport comprend une partie descriptive, rappelant que cette prestation est bien une prestation de solidarité, versée sous condition de ressources et dégressive, et qu’elle vise donc les personnes handicapées dont les conditions de vie sont modestes. Nous montrons aussi que le barème de l’AAH a deux défauts. Le premier, c’est qu’il ne valorise pas suffisamment le lien au travail. Je n’ignore pas la grande difficulté d’accès au travail des personnes handicapées, c’est ce qui justifie que la prestation minimale soit plus élevée. Cependant, pour les 20 % de personnes handicapées qui travaillent, le barème actuel n’assure pas de gain au travail, car l’AAH est mal articulée aux autres allocations. Par ailleurs, quand le conjoint de la personne handicapée travaille, le revenu n’augmente pas proportionnellement au revenu du travail.

Le deuxième défaut du barème de l’AAH tient à ce que le supplément de solidarité lié au handicap varie très fortement selon la configuration familiale et le statut dans le logement. Ainsi, pour une personne seule, ce supplément de solidarité atteint 400 euros par mois, entre un RSA à 500 euros et une AAH à 900 euros ; pour une personne handicapée vivant en couple sans enfant ni ressources, le supplément n’est plus que de 200 euros ; si la personne handicapée vit en couple avec deux enfants, le supplément de solidarité lié au handicap est nul.

Ces deux défauts tiennent à ce que les barèmes ne sont pas conçus dans un ensemble. Or, techniquement, on peut très bien imaginer des prestations de solidarité qui valorisent le lien au travail, qui maintiennent le surcroît de solidarité lié au handicap, quelle que soit la situation familiale de la personne handicapée, et qui prenne en compte la situation du conjoint. Pour cela, il faut revoir l’ensemble des barèmes, ce qui nécessite un choix politique. Et quand bien même la réforme ne porterait pas sur l’AAH, mais sur le champ restreint de prestations, des personnes handicapées seraient concernées puisqu’elles sont nombreuses à toucher des allocations logement.

Le débat sur la « déconjugalisation » a surgi à partir d’exemples de terrain, les personnes handicapées nous alertant des incohérences des prestations. Une fois le constat partagé, plusieurs solutions sont possibles, sans en passer nécessairement par la « déconjugalisation ». Et il faut bien mesurer que si l’on « déconjugalise » l’AAH, on la fait sortir du champ des prestations de solidarité et on en fait une prestation d’un nouveau genre, indépendante des ressources du ménage, mais dont le barème dépend pour partie des ressources du conjoint. On parle alors d’une prestation de remplacement, comme il y a des pensions d’invalidité : elle sera servie sur le même champ que l’AAH et elle sera imposable, ce qui revient à repenser tout le système de solidarité avec le handicap. Cette nouvelle prestation ne serait du reste pas incompatible avec le maintien d’une AAH, qui viserait les personnes handicapées les plus modestes.

L’esprit de la réforme est bien de permettre de mieux anticiper les ressources de solidarité, l’objectif étant d’améliorer les conditions de vie des personnes modestes. En unifiant les bases de calcul des prestations et allocations, on automatise le calcul, on le rend plus prévisible. Tous les problèmes ne s’en trouveront pas réglés, mais l’ensemble sera plus simple et plus prévisible. Nous l’avons testé sur des cas concrets, avec les associations – c’est un point très important de la réforme.

Mme Raymonde Poncet Monge. – Dans le projet de revenu universel d’activité, on regarde beaucoup s’il s’agit d’une unification ou d’une fusion des prestations actuelles, sans s’attarder sur un aspect important et critiquable : le lien à l’activité, le « A » du RUA. Or, les prestations de solidarité sont liées aux ressources, mais pas toujours à l’activité ni à la recherche d’emploi. Si certaines des prestations peuvent être liées à l’activité, en particulier pour aider les travailleurs pauvres, donc compenser des rémunérations insuffisantes, bien des prestations de solidarité n’y sont pas liées, en premier lieu l’allocation logement. S’ouvre un autre débat dans le débat, sur l’inconditionnalité de prestations, mais il faut considérer que les prestations versées entrent dans le revenu fiscal, à quoi je ne suis pas opposée.

Vous soulignez ensuite que le travail paie, qu’il y a un gain à travailler. Il faudrait le faire savoir en haut lieu, en particulier au Président de la République, qui a cru devoir déclarer « anormal » qu’on gagne autant à rester chez soi qu’à travailler…

Enfin, vous indiquez que toute réforme ne peut se faire à coût constant, et qu’il faudra des moyens supplémentaires pour faire aboutir une réforme de cette importance – c’est important de le noter.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Nous avons beaucoup apprécié la clarté de votre exposé et la profondeur de vos réflexions, vous êtes allé au coeur des difficultés que nous avons rencontrées dans nos travaux sur le revenu de base. Je crois, comme vous, qu’une confusion doit être éliminée, ce n’est pas du tout la même chose de parler d’un revenu de base pour tout le monde, dont le coût est estimé à plus de 300 milliards d’euros, et d’un socle de prestations, dont vous évaluez le périmètre à 60 milliards d’euros.

Vous soulignez la complexité de notre système, composé d’environ 400 prestations diverses qui n’ont pas les mêmes bases, et vous dites avec justesse que la première des choses à faire, c’est d’unifier les bases de ressources, au moins pour les prestations les plus importantes.

Lors de mes travaux, j’ai eu l’occasion de rencontrer Léon Régent, polytechnicien comme vous, qui déplore l’illisibilité de notre système et propose une allocation familiale dès le premier enfant : qu’en pensez-vous ?

M. Olivier Henno. – Plus on avance dans le sujet, plus on constate combien il est difficile. Nous voyons aussi que notre système de solidarité est toujours plus contesté dans la société, y compris parmi les populations les plus modestes ; on dénonce de l’assistanat, de la fraude sociale, il faut en tenir compte. La réforme a certes des inconvénients, mais ne toucher à rien en a aussi : qu’en pensez-vous ?

Quelle est votre analyse, ensuite, de la décision prise en 2015 de conditionner les allocations familiales aux revenus ?

Mme Annie Le Houerou. – Je suis, comme mes collègues, impatiente de lire votre rapport parce que, en vous entendant, on mesure la complexité du sujet, l’importance de la concertation qui a eu lieu, et j’en arrive à l’idée que le statu quo n’est guère possible, qu’il faut une réforme politique ambitieuse pour notre système. Quand on dit que le travail doit payer, il est important de préciser qu’il doit payer par le travail lui-même, et pas comme une allocation : avez-vous regardé de près cet aspect des choses ? La reconnaissance du travail, c’est d’être rémunéré sans allocation. Vous soulignez également les problèmes de lisibilité, et leurs conséquences sur le non-recours ; vous semble-t-il possible que la simplification conduise à une automaticité des aides ?

Le débat sur l’AAH a porté sur l’individualisation de l’allocation, cela vaut en réalité pour toutes les aides, de savoir si elles doivent varier avec la composition du ménage. Vous semble-t-il que les moyens techniques actuels, qui permettent de connaître les revenus, sont un atout pour la lisibilité et finalement la justice des prestations ?

M. Alain Duffourg. – Le revenu universel d’activité mérite d’exister ne serait-ce que pour mettre fin à la complexité dont vous nous parlez, parce que nous gagnerons à unifier le système avec des bases d’évaluation uniques. Il faut aussi tenir compte de la réalité des revenus et de la richesse, j’ai l’exemple d’une personne qui perçoit une AAH de 900 euros par mois et qui est pourtant millionnaire…

M. René-Paul Savary. – Connaissez-vous Léon Bourgeois ? Il prônait le solidarisme, ce qui le rend d’une grande actualité quand on en arrive, comme aujourd’hui, à ce que tout le monde soit mécontent, entre ceux qui gagnent bien, mais qui disent payer trop pour les autres, et ceux qui trouvent que leurs allocations sont injustement faibles par rapport à d’autres… Le solidarisme, c’est travailler à rassembler la société, c’est l’unifier plutôt que la diviser, et il n’y a pas de honte à dire que ceux qui perçoivent des allocations doivent contribuer à l’impôt, dès lors que tout le monde paie des impôts proportionnels – c’est une façon de diffuser l’idée qu’il y a des droits et des devoirs, c’est aussi par là qu’on parviendra à ce que notre système soit mieux compris. C’est aussi le cas pour les retraites, où nous sommes parvenus à un système très complexe dans son fonctionnement et très difficile à réformer : il faut commencer par unifier les bases, par harmoniser – et ensuite seulement, on peut faire varier les curseurs.

M. Fabrice Lenglart. – Le terme de « revenu universel d’activité » soulève en effet certaines interrogations.

L’idée du Président de la République est de réunir les barèmes du RSA, de la prime d’activité et des aides au logement, nullement d’obliger quiconque à travailler quand c’est impossible. Quant aux aides au logement, il n’a jamais été question, à aucun moment, de les conditionner à l’exercice d’un travail.

Dans le système actuel, neuf Français sur dix touchent au moins l’une des trois prestations de solidarité que sont le RSA, la prime d’activité ou les aides au logement. Si l’on mène cette réforme à son terme, y compris dans son champ le plus étroit, on peut donc assurer le gain au travail, équitable, pour tous, indépendamment de la situation des uns et des autres au regard du logement – locataires ou propriétaires. Je ne suis évidemment pas maître des choix politiques qui ont été opérés, mais il me semble que c’est la raison de la présence du terme « activité ».

Quant au mot « universel », je le comprends dans le sens de l’universalité de la lutte contre le risque social de pauvreté, de même qu’il existe une couverture maladie universelle. L’idée n’est pas de verser à tout le monde une prestation, quels que soient ses revenus, mais de couvrir le risque social de pauvreté de façon unifiée, alors qu’aujourd’hui, nous le faisons sans doute pas si mal que cela, mais de façon fragmentée et illisible, sans compter les trous qui subsistent, notamment pour les jeunes.

Par ailleurs, lorsque j’ai reçu mon mandat, j’ai posé la question de l’inclusion dans l’étude des prestations familiales corrélées aux revenus. Il a toujours été clair que les allocations familiales étaient exclues du champ de la réflexion.

D’ores et déjà, ces allocations familiales sont intégrées dans la base de ressources du RSA : on part des ressources existantes du ménage et on les complète jusqu’à obtenir le niveau du revenu minimum. Mais attention : ce mécanisme ne signifie pas qu’il faille impérativement modifier le système d’allocations familiales à l’occasion de la réforme. C’est certes une possibilité, mais nullement une obligation. Les deux sujets peuvent être traités indépendamment.

Les allocations familiales n’ayant pas initialement vocation à lutter contre la pauvreté, il peut d’ailleurs être préférable de conserver deux politiques distinctes.

Le système des prestations familiales pourrait sans doute être plus lisible, mais il faut aborder le sujet en examinant le système sociofiscal dans sa globalité, et mesurer précisément le supplément de revenu apporté à une famille en fonction du nombre d’enfants une fois additionnés les prestations familiales et les avantages fiscaux. Plusieurs travaux montrent déjà que le résultat n’est pas totalement compréhensible.

Nos travaux n’ont pas porté non plus sur les questions de l’assistanat et de la fraude sociale. Le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS) mène actuellement des travaux sur ce sujet, auxquels la Drees contribue. Je signale juste que le phénomène inverse, celui du non-recours, est également une réalité.

« Le travail doit payer dans le travail » : je souscris pleinement à ces propos, que j’ai beaucoup entendus dans la concertation avec les partenaires sociaux. Je rappelle que la prime d’activité actuelle n’est pas une subvention du travail, mais bien une prestation de solidarité, pensée en cohérence avec le RSA et familialisée. Nous avons déjà beaucoup d’exonérations de cotisations patronales sur les bas salaires, et je ne plaide pas pour une subvention du salaire net.

J’insiste aussi sur le fait qu’il existe, pour une masse de prestations de solidarité donnée, un arbitrage inévitable à effectuer entre l’intensité de l’incitation au travail et le niveau de revenu minimum que vous versez aux familles qui n’ont aucune ressource. Vous ne pouvez pas améliorer l’un sans dégrader l’autre. À mon avis, nous ne sommes pas loin du bon dosage aujourd’hui, mais il faudrait faire en sorte que le travail paye de la même façon pour tout le monde.

Le sujet de l’automaticité des aides est également souvent revenu dans la concertation. Il est important de conserver le principe d’une démarche volontaire pour percevoir la prestation, pour des raisons éthiques et de liberté. Ce point fait consensus. En revanche, tout le monde rêverait d’une forme d’automaticité des versements, et que l’administration puisse réellement « aller vers » les bénéficiaires potentiels, à partir d’informations provenant automatiquement du système sociofiscal, un peu sur le modèle du prélèvement à la source pour l’impôt sur le revenu.

La question de l’individualisation ou non des prestations de solidarité est documentée dans notre rapport. Elle est très politique. Ne nous méprenons pas, toutefois : une prestation individualisée ne pourra jamais faire abstraction de la composition et des ressources du ménage dans lequel évolue l’individu. C’est pourquoi je préfère parler de prestation quasi individualisée. La question, très débattue actuellement, et qui figurait déjà dans le rapport Sirugue de 2016, est plutôt la suivante : un couple sans ressource doit-il toucher deux fois le montant du RSA perçu par une personne seule, ou moins ?

On peut imaginer un tel doublement pour la prestation socle, l’équivalent du RSA, mais en aucun cas pour les aides au logement, car l’économie d’échelle est alors évidente pour un couple.

Ensuite, en termes d’efficience de la lutte contre la pauvreté, à masse financière constante, le système conjugalisé est plus efficace. Même en faisant abstraction des coûts de logement, les dépenses d’un couple ne sont pas exactement multipliées par deux. L’échelle d’équivalence du RSA est aujourd’hui de 1 pour une personne seule, contre 1,5 pour un couple. Certains économistes la jugent un peu serrée. Mais aller jusqu’à 2 serait excessif selon moi.

On constate aussi qu’une prestation quasi individualisée n’est pas plus favorable à la bi-activité des couples, car le point de sortie de la prestation est alors plus éloigné dans l’échelle des revenus si l’un des deux membres du foyer seulement travaille. Les deux systèmes sont possibles, mais ma préférence va au système conjugalisé.

Monsieur Savary, faut-il payer des impôts quand on perçoit une prestation de solidarité ? Ces personnes s’acquittent déjà de la TVA, et payent des impôts sur leurs revenus, même faibles, de remplacement ou du patrimoine (notamment la CSG). Par ailleurs, une personne sur quatre percevant la prime d’activité est aussi redevable de l’impôt sur le revenu. Je suis très sensible à votre argument selon lequel tout citoyen, quel que soit son niveau de vie, doit contribuer au financement de la Nation, mais c’est déjà le cas aujourd’hui, me semble-t-il, si vous considérez le système sociofiscal dans son ensemble.

Vous dites enfin qu’il faudrait réformer le système de retraites par étapes, en commençant par harmoniser les bases de ressources. Ma conviction profonde est que l’on ne peut pas faire l’un sans l’autre. Harmoniser les bases de ressources, même dans le champ étroit des allocations logement, du RSA et de la prime d’activité, sans revoir les barèmes, ce serait prendre le risque de faire apparaître des iniquités flagrantes. La création d’un revenu social de référence ne peut pas selon moi être déconnectée de la refonte des barèmes.

Mme Catherine Deroche, présidente. – Je vous remercie, monsieur Lenglart. Nous attendons avec impatience la parution de votre rapport.

Ce point de l’ordre du jour a fait l’objet d’une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

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