Stoléru vs. Kalogeropoulos

Le Figaro a publié le 11 mai une version adoucie de la réaction de Lionel Stoléru à l’attaque virulente de Léonidas Kalogeropoulos contre le revenu universel. Voici le texte initial.

On reste confondu devant l’ignorance de M. Kalogeropoulos dans son attaque, dans Le Figaro du 6 mai, contre le revenu universel : comment peut-on écrire autant de contre-vérités ? Citons-en deux parmi tant d’autres :

Premier exemple : le revenu universel   permettrait à n’importe qui de passer ses journées à « surfer à Malibu ». L’auteur ignore-t-il que le RMI, que j’ai créé, comme le RSA qui lui a succédé, donnent  déjà la même somme à ceux qui  n’ont rien ? On rencontre pourtant peu de Rmistes à Malibu. Le revenu universel  ne  modifie qu’assez peu  les ressources accordées dans le système actuel pour ceux qui n’ont pas de revenus. Sans doute l’auteur regrette-t-il que l’on donne de quoi manger aux  « fainéants »… C’est là un réflexe du XIXème siècle qu’on croyait disparu depuis Malthus. Croit-on vraiment que laisser les pauvres dans le dénuement permettra de développer leur esprit d’entreprise ?

Deuxième exemple : l’auteur évoque un montant de « 2300 euros par mois comme revenu minimal sans condition ». Jamais aucune étude sérieuse du sujet n’a proposé pour la France un chiffre aussi faramineux et absurde, et certainement pas le document LIBER auquel il se réfère : nous n’avons pas dû lire le même texte ! Le LIBER proposé par le think-tank Génération Libre est une proposition très précisément cadrée sur le plan macroéconomique qui simplifie le système actuel  à partir d’une hypothèse de base : ne pas augmenter la dépense publique.

Il s’agit donc d’abord, comme le propose le rapport Sirugue, de remplacer les 10 minima sociaux actuels par une seule allocation. On pourrait y proposer également une réforme de l’allocation logement, mais, bien entendu, il n’est pas question de toucher  au système de santé et de retraite.

Il s’agit ensuite de sortir cette allocation unique du système social actuel inextricable, avec toutes les Caisses et les Collectivités locales pour l’intégrer au système fiscal : ceux qui n’ont rien touchent un crédit d’impôt et ceux qui ont beaucoup paient un impôt. C’est simple et progressif. C’est parfaitement libéral puisque ce concept d’impôt négatif a été proposé par Milton Friedman, dont il faut d’ailleurs saluer la réédition de « Capitalisme et Liberté » chez Champs Flammarion

Il s’agit aussi, comme l’avait suggéré Jeremy Rifkin dans « La fin du travail », et comme le demande le rapport du Conseil National du Numérique, d’acter le fait que, dans la nouvelle économie, le salariat ne sera plus le modèle unique de distribution de revenus.

Reste la question du mot « universel » : imaginons que l’on donne 500 euros par mois à chaque citoyen, sans aucune condition . Se pose alors l’intéressant problème dit « du chèque à Mme Bettencourt », millionnaire à qui on va verser 500 euros : quelle horreur ! On a beau savoir qu’elle paie quelques millions d’impôts sur le revenu, l’idée qu’elle reçoive 500 euros révulse tout citoyen et est donc politiquement incorrecte. On notera tout d’abord qu’elle ne recevra aucun chèque et verra son impôt de quelques millions baisser seulement  de quelques euros, mais, surtout, on notera qu’il suffit de modifier le barème en ajoutant 500 euros d’impôt dans les tranches supérieures pour régler ce prétendu problème.

Une telle réforme prendra du temps : j’ai mis 14 ans pour passer de la proposition d’un revenu minimum au vote du RMI, à l’unanimité, rappelons-le. Il faudra donc de nombreuses années pour approfondir ce projet. Mais y aura-t-il un candidat qui osera dire « Si je suis élu en 2017, je mettrai à l’étude et à l’expérimentation le Revenu Universel » ? La lutte contre la pauvreté n’est ni de droite ni de gauche : elle est humaniste.

M. Kalogeropoulos, qui sait comment il convient de faire le bonheur des citoyens malgré eux, en leur enlevant leur libre arbitre, sait-il qu’un pays comme la Finlande prépare l’expérimentation du revenu universel, et qu’un pays aussi farfelu que la Suisse organise le mois prochain un referendum sur ce sujet ?

Alors, plutôt que de se demander si le Revenu Universel est bon pour le libéralisme, mieux vaudrait se demander s’il est bon pour la France !

La réponse est « Oui ».

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