Milton Friedman explique son impôt négatif

L’économiste américain Milton Friedman (1912-2006) a durablement marqué son époque, en étant le premier à savoir s’adresser au grand public pour expliquer l’économie. Titulaire du prix Nobel en 1976, il a contribué à faire émerger une nouvelle approche du libéralisme, le courant « monétariste » qui préconise une création monétaire indépendante de l’Etat. Il a fondé l’Ecole de Chicago, opposée au keynésianisme.

En 1962, il publie « Capitalisme et liberté », plaidoyer majeur pour une relecture du libéralisme. Il y décrit dans le dernier chapitre (12- L’aide aux économiquement faibles) sa proposition d’un impôt négatif sur le revenu (Negative Income Tax, NIT).


Le cœur de sa justification tient en quelques lignes :

« Si l’objectif est de soulager la pauvreté, il nous faut un programme destiné à aider les pauvres. Toutes les raisons, par exemple, existent à aider le pauvre paysan, non parce qu’il est paysan, mais parce qu’il est pauvre. C’est-à-dire qu’un tel programme doit être conçu pour aider les personnes en tant que personnes, et non pas en tant que membres de tel groupe professionnel, de tel groupe d’âge, de telle catégorie de salariés, de tel syndicat ou de telle industrie. Voilà un défaut qui affecte tous les programmes, dans leur profusion apparemment inépuisable. En second lieu, dans toute ma mesure du possible, le programme, tout en fonctionnement par l’entremise du marché, ne devrait ni fausser celui-ci ni entraver son fonctionnement. C’est là une des tares des politiques de soutien des prix, des lois sur le salaire minimum, des mesures tarifaires, etc.

D’un point de vue purement mécanique, le dispositif qui se recommande d’emblée est l’impôt négatif sur le revenu. »

Il conclut le chapitre 12 par une synthèse de sa philosophie libérale :

« Au cœur de la philosophie libérale, il y a la croyance dans la dignité de l’individu, dans sa liberté d’utiliser au maximum et selon ses propres lumières ses capacités et les occasions qui se présentent à lui, à cette seule condition qu’il ne compromette pas, ce faisant, la liberté qu’ont les autres individue=s de faire la même chose. Cela implique en un sens la croyance en l’égalité des hommes ; en un autre sens dans leur inégalité. Chaque homme a un droit égal à la liberté. (…)

Le libéral fera par conséquent une nette distinction entre l’égalité des droits et des chances, d’une part, et l’égalité matérielle ou égalité des résultats, d’autre part. (…) Il fera bon accueil aux mesures qui favorisent en même temps la liberté et l’égalité, telles celles qui éliminent le pouvoir des monopoles et qui améliorent le fonctionnement du marché. Il verra dans l’exercice de la charité privée un bon exemple de l’usage convenable de la liberté. Et s’il peut approuver l’action de l’Etat dans l’amélioration du sort des pauvres parce que c’est là une façon plus efficace pour la masse de la communauté d’atteindre l’objectif commun, il ne le fera cependant qu’à regret, car ce sera substituer l’action obligatoire à l’action volontaire.

L’égalitarisme voudra aller plus loin encore. Il proposera de prendre aux pour donner aux autres, non parce qu’il s’agira là d’un moyen plus efficace grâce auquel les « uns » pourront atteindre leurs objectifs, mais au nom de la justice. Ce point atteint, l’égalité entre ouvertement en conflit avec la liberté : on doit choisir. On ne peut être à la fois en ce sens égalitariste et libéral. »


Un film de 1978 illustre le débat de l’époque sur ces propositions.


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