Les pièges à bas salaires ou à inactivité dont sont victimes des millions de travailleurs potentiels s’explique par une action publique centrée sur un modèle cible : le smicard à plein temps (qui ne concerne qu’environ 8 % des salariés).
L’Etat dépense une cinquantaine de milliards d’euros chaque année en dispositifs subventionnant les emplois modestes, soit par de généreuses réductions de cotisations sociales accordées aux employeurs, soit par une prime d’activité versée au salarié. Dans les deux cas, le montant de l’aide augmente jusqu’au SMIC et décroit rapidement ensuite.
En conséquence, la progression des revenus d’une partie importante de la population n’est plus assurée par l’évolution salariale (qui coûte cher à l’employeur), mais par la revalorisation périodique de dispositifs légaux de soutien aux bas revenus, financés par le niveau plus élevé des prélèvements sur les hauts salaires… et le déficit public[1].
Tout se passe comme si les cadres et dirigeants des entreprises sous-traitaient à l’Etat le soin de garantir la progression des revenus de leurs employés, en rémunérant l’Etat pour ce service (par les prélèvements élevés qu’ils acquittent eux-mêmes).
Cette lente évolution a transformé la France en profondeur : les revenus y sont comparativement assez faibles, largement collectivisés[2] (financés par des impôts, non par des clients), ce qui est peu motivant pour les salariés les plus engagés.
Cette intervention massive (keynésienne) de l’Etat dans l’articulation entre le coût pour l’employeur et le revenu réellement disponible pour le salarié perturbe considérablement le mécanisme naturel (walrasien) de fixation d’un point d’équilibre entre l’offre et la demande de travail.
Elle prive les syndicats de leur mission naturelle. Au lieu d’agir sur le terrain, dans les entreprises et les branches professionnelles, pour négocier avec les patrons de meilleures conditions de travail et rémunérations pour les salariés, les grandes centrales participent à des réunions au ministère du travail rue de Grenelle pour infléchir les paramètres d’un système compliqué, opaque et peu efficace, ou dans la rue « pour faire pression sur le gouvernement ».
L’Impôt Négatif Français met un terme à cette dégradation continue des relations sociales, en assurant que toute évolution salariale est soumise au même prélèvement, remotivant les parties prenantes de la négociation dans l’entreprise à se concerter pour dynamiser les salaires et l’activité économique.
[1] On pourrait ajouter à l’analyse d’autres cotisations particulières, une fiscalité favorable pour les heures supplémentaires, les primes de « partage de la valeur » ainsi que sur l’intéressement et la participation.
[2] En sus des traitements de 5,7 millions de fonctionnaires financés par l’impôt, presque la moitié des 21 millions de salariés du privé bénéficie indirectement de la réduction générale de cotisations patronales et un quart reçoit la prime d’activité.