Des prélèvements différents selon la nature des revenus

L’analyse menée ici ne correspond qu’à la France, même si une démarche similaire pourrait être conduite dans d’autres pays connaissant un niveau élevé de prélèvements obligatoires. La recette fiscale dépasse 53 % du PIB (soit environ 1.400 milliards d’euros en 2023), ce qui est proche de la somme des revenus de l’ensemble des ménages. En d’autres termes : chaque euro de valeur économique créée en France est partagé à peu près à égalité entre les personnes qui l’ont généré (par leur investissement ou leur travail) et l’administration qui finance divers services publics – dont la dégradation progressive interroge les citoyens.

Ce taux de prélèvement global est déraisonnable, ôtant aux agents économiques parfois plus de la moitié du fruit de leur travail. Il est inégalitaire : des taux différenciés sont appliqués via la combinaison de multiples dispositifs compliqués, selon les diverses natures de revenus, les situations familiales ou les options choisies par des contribuables plus ou moins avisés.

La richesse économique étant créée dans les entreprises, il est logique de présenter ces revenus et prélèvements à partir d’un compte de résultat. Passons ainsi en revue les divers prélèvements appliqués aux diverses natures de revenu. Que devient un euro de valeur ajoutée créée par l’entreprise ?

On identifie différentes façons de transformer la valeur ajoutée [0] créée par l’activité économique de l’entreprise en revenus versés aux personnes physiques, en tant que salariés ou non-salariés, pensionnés, actionnaires ou citoyens.

  1. Les salaires et traitements des fonctionnaires sont soumis à de nombreuses « cotisations sociales », visibles sur la fiche de paye que nous examinerons plus loin. 
  2. Le « revenu mixte » des non-salariés rémunère le travail de l’entrepreneur individuel (et éventuellement sa famille) ainsi que son investissement financier dans l’entreprise.
  3. Les revenus du patrimoine (dividendes, loyers, produits financiers…) font l’objet de diverses options fiscales. En 2017 a été créé le « prélèvement forfaitaire unique » (PFU) qui a apporté une simplification bienvenue dans l’imposition des dividendes.
  4. Les revenus différés (retraite, invalidité…) et de remplacement (chômage, arrêts de travail…) sont financés par les « cotisations contributives » acquittées par les employeurs. Ces cotisations génèrent des droits capitalisés par le salarié (comptabilisés sous forme de trimestres, points, etc.) mais ces sommes ne lui sont pas versées. En réalité, elles constituent les pensions versées aux retraités, chômeurs, malades ou invalides contemporains par les caisses gestionnaires.
  5. Les transferts monétaires ne sont pas la contrepartie d’une création de valeur économique. Avec les règles actuelles, les transferts publics ne sont pas imposables (prestations sociales, etc.) alors que les transferts privés le sont (pensions alimentaires, dons, etc.). Ils sont additionnés à l’assiette de l’impôt de celui qui les reçoit et soustraits des autres revenus de celui qui verse. C’est une anomalie : aucun transfert ne devrait être pris en compte dans le calcul de l’impôt.
  6. Les plus-values n’apparaissent pas dans le compte de résultat. Elles rendent compte d’une valeur financière accrue entre l’achat et la revente d’un patrimoine, après quelques années. Les règles fiscales actuelles prévoient de multiples options pour cerner la valeur économique créée. Déterminer la part imposable d’une plus-value fait largement part à l’arbitraire du législateur.

Tracer sur le même graphique l’effet de l’impôt sur le revenu selon la nature des revenus est plus compliqué qu’il n’y parait.

Nous utilisons en abscisse la « valeur économique », homogène fiscalement à la valeur ajoutée crée par l’entreprise [1] (avant tout impôt), qui sera distribuée sous forme de revenu aux personnes physique.

  • Pour un salarié : le revenu à considérer n’est pas le salaire brut (qui n’a aucune pertinence économique), ni le coût employeur qui inclut ce qui est versé aux caisses de retraite et de chômage pour financer les pensionnés contemporains.
  • Les pensions de retraite ou chômage sont comptabilisées en brut, avant CSG et IR.
  • Pour les revenus du patrimoine, il est logique d’additionner au prélèvement les autres formes d’imposition en amont : impôt sur les sociétés (IS) acquitté avant le versement des dividendes à l’actionnaire ; taxe foncière (TF) prélevée sur les biens immobiliers mis en location.

On compare ainsi des chiffres ayant la même valeur économique, n’ayant encore été soumis à aucun prélèvement : un euro créé par l’entreprise est ainsi considéré à l’identique lorsqu’il se transforme en salaire ou en rémunération d’un commerçant, en résultat versé à l’actionnaire ou en pension versée à un retraité.

La divergence des trois courbes est frappante, introduisant un doute sur la possibilité qu’une formule aussi simple que l’INF remplace les règles actuelles. De fait, il faut poursuivre l’analyse en dressant l’inventaire de tous les autres prélèvements, dans la variété de leurs dénominations, qui constitue la réalité des prélèvements fiscaux français.

L’INF sera complété par la Contribution Santé Universelle (CSU) généralisant le principe de la CSG pour toutes les natures de revenus.


[1] Par définition, le Produit Intérieur Brut (PIB) de la nation est égal à la somme des valeurs ajoutées générées par les agents économiques, en majorité les entreprises non-financières.

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