Le 9 février 2022, les adhérents AIRE ont eu le plaisir d’échanger avec le rédacteur du livre « Un temps pour changer » où le Pape dévoile l’intérêt qu’il porte à la proposition d’une forme de revenu universel.
Début décembre 2020, un petit livre bleu suscitait l’enthousiasme des promoteurs du revenu universel. Avec Un temps pour changer, le Pape François déclarait publiquement son soutien au revenu universel (avec une formulation proche du dispositif fiscal de l’AIRE) :
« Reconnaître la valeur pour la société du travail des personnes non salariées est un élément essentiel de notre réflexion dans le monde post-Covid. C’est pourquoi je pense qu’il est temps d’explorer des concepts tels que le revenu de base universel (RBU), également connu sous le nom d’impôt négatif sur le revenu (INR) : un paiement forfaitaire inconditionnel à tous les citoyens, qui pourrait être versé par le biais du système fiscal.
Le RBU pourrait remodeler les relations sur le marché du travail, en garantissant aux gens la dignité de refuser des conditions d’emploi qui les enferment dans la pauvreté. Il donnerait aux gens la sécurité de base dont ils ont besoin, supprimerait les stigmates du welfarisme et faciliterait la mobilité entre les emplois, car les modèles de travail fondés sur la technologie sont de plus en plus demandés. Des politiques comme le RBU peuvent également aider à libérer les gens pour qu’ils puissent combiner salaire et temps consacré à la communauté. »
Cet événement considérable pour le développement de l’idée au niveau mondial a suscité de nombreuses discussions et conjectures. Pour approfondir la question de l’implication du Pape dans notre débat, nous avons invité l’auteur de ce livre de conversations, le journaliste britannique Austen Ivereigh.
Austen Ivereigh est membre associé de l’Institut d’histoire de l’Eglise contemporaine de Campion Hall (université d’Oxford). Il est l’auteur de nombreux essais, parmi lesquels la biographie du Pape François le réformateur (2017).
1. Pouvez-vous nous dire dans quelles circonstances vous avez rencontré le pape François ? D’abord pour écrire sa biographie, publiée en 2017, « François le réformateur » ? Puis en 2020, « Un temps pour changer » ?
Je suis l’un des biographes du pape, avec un premier livre sorti en 2014. Nous nous sommes rencontrés en 2018, au Vatican. Le livre « Let us dream » a été écrit en raison de la pandémie : je lui ai demandé comment on pouvait sortir au mieux de cette crise. Dans ce livre, il a mentionné le Revenu Universel.
A cette époque, nous étions en confinement et nous correspondions par vidéo. J’ai suggéré le format du livre à partir de la méthode « Voir, Juger, Agir », en partant des précarités, des souffrances.
Le pape n’a pas voulu que d’autres personnes du Vatican soient associées à la rédaction. Il n’a pas voulu que ce soit un écrit « magistral ». C’est donc un livre personnel et informel, sans le formalisme du magistère. Nous avons rédigé le livre simultanément en anglais et en espagnol. Il a été traduit ensuite en de nombreuses langues.
2. D’où est venue l’idée de parler du revenu universel dans ce livre ? Était-ce avant ou après sa lettre de Pâques 2020, où il proposait un « salaire de base universel » ? Était-il précis dans ce qu’il vous a demandé ? D’où vient la formulation précise dans le livre (p. 195) : « un paiement forfaitaire inconditionnel à tous les citoyens, qui pourrait être versé par le biais du système fiscal » ?
Sa lettre de Pâques 2020 aux mouvements populaires d’Amérique Latine a été le déclencheur. Ces mouvements ont suggéré au Pape d’écrire ce livre. Cette lettre était une avancée importante dans la pensée sociale de l’Eglise. A mon avis, il convenait de la diffuser plus largement. Je lui ai demandé de préciser sa vision du Revenu Universel. Le point important est que ce soit un dispositif inconditionnel.
Le pape se demande ce que sera notre avenir, quand 40% des jeunes seront sans emploi, alors que le travail est la capacité que le Seigneur nous a donnée pour contribuer à la création. Reconnaitre le travail non-salarié est capital, pour lui, pour la sortie de la crise.
Une autre intervention plus ancienne du Pape préparait cette avancée, lors d’une rencontre à Gênes de représentants du monde du travail.
Le pape alerte sur les modifications introduites par les nouvelles technologies. Il explique qu’il faudra du travail pour tous, mais aussi d’autres formes de travail que le travail classique. Le pape a présenté le RU comme un moyen d’accéder au travail.
3. Après le livre, savez-vous si la réflexion se poursuit au Vatican sur le revenu universel ? Qui s’y intéresse ?
C’est parce qu’il y a eu peu d’échos et de réactions dans l’Eglise que j’ai créé cette commission de suivi au Royaume-Uni.
« Rerum novarum » parle du salaire du salarié classique. J’ai donc organisé un Webinaire en février 2021 à ce sujet, avec une représentante du dicastère sur le développement humain. Elle a indiqué que le pape serait très heureux que l’Eglise s’intéresse de plus près au sujet.
Le premier objectif de la commission est de recueillir des informations sur le marché du travail aujourd’hui.
L’autre objectif de la commission est d’engager la doctrine sociale de l’Eglise. Le RU n’est pas une fin en soi. La doctrine sociale de l’Eglise peut faire une contribution importante à ce sujet. Elle n’est pas figée. Il y a la question de la participation, celle de la contribution, celle de la gratuité… Ces questions ne sont pas abordées dans les débats actuels.
4. A l’échelle de la planète et de l’histoire, pensez-vous que le revenu universel finira vraiment par exister quelque part ? Dans 5 ans ? 10 ans ? 50 ans ?
Le gouvernement écossais est très intéressé.
On verra quelque chose de notre vivant, nous, les jeunes !